Peut-on invoquer le droit de retrait lorsqu'il fait trop chaud ?
Qu'il fasse trop chaud ou trop froid, il est possible d'invoquer le droit de retrait (appelé aussi droit d'alerte) et de déclencher ainsi un arrêt de travail. Cependant, le cadre de la loi et ses conditions d'application sont plutôt mal définis, ce qui rend son invocation complexe et la légitimité du travailleur discutable. En effet, malgré la canicule survenue durant l'été 2003, aucune législation liée à la chaleur sur le lieu de travail n'a vu le jour. Il faudra attendre 2023 pour que le ministère de la Transition écologique, suite à la canicule record de 2022, présente un plan national qui vient compléter le dispositif canicule. Si certains corps de métier avaient déjà pris le parti de s'adapter, par exemple en décalant les horaires de travail, ce plan apporte de nouvelles directives un peu plus claires. Aussi, si votre employeur vous met en difficulté, voici quelques aspects à connaître pour mieux vous défendre.
- Commencez par alerter l'entreprise du danger imminent
- Les devoirs de l'employeur malgré le flou juridique
- Faites valoir votre droit de retrait
- Conditions particulières pour les personnes travaillant en extérieur
- Les dangers du travail à la chaleur sur l'organisme
- Les actions du plan de gestion des vagues de chaleur de 2023
- Quels sont les articles de loi auxquels se référer ?
Commencez par alerter l'entreprise du danger imminent
Alerter l'entreprise est la première chose à faire afin de lui donner, dans un premier temps, la possibilité de proposer une solution au problème de chaleur. Le code du travail envisage un droit de retrait pour le travailleur s'il estime que la situation est de nature à présenter un danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité. Les modalités d'invocation du droit de retrait sont exactement les mêmes que lorsqu'il fait trop froid : la définition du danger est déterminée par les délégués du personnel, le chef d'entreprise ou ses représentants. En l'absence d'action de leur part, l'inspection du travail, le CHSCT, les délégués du personnel, la médecine du travail (notamment en cas d'antécédents médicaux) et/ou les ressources humaines peuvent être alertés.
Les devoirs de l'employeur malgré le flou juridique
Il n'existe pas à proprement parlé de seuil de température au-delà duquel un salarié peut automatiquement quitter son poste, sans justification. Mais certaines prérogatives doivent être respectées, comme le fait de disposer de locaux de manière à permettre l'adaptation de la température à l'organisme humain. D'après l'INRS, la température de l'air souhaitable dépend des contraintes physiques supportées par le travailleur : elle oscille entre 15 et 23°C toute l'année. Mais il est difficile de retenir un seuil de référence tant les situations sont diverses et la résistance à la chaleur variée.
Afin de contrer les effets de la chaleur, l'employeur est en revanche toujours tenu de mettre à disposition de l'eau potable et fraîche pour la boisson dans un endroit qui respecte les conditions d'hygiène et de conservation. Dans des conditions de travail où les employés sont amenés à devoir se désaltérer souvent (travail physique notamment), l'employeur doit mettre à disposition au moins une boisson non alcoolisée tout au long de la journée.
Dans les locaux fermés, si la loi n'oblige pas l'employeur à installer un climatiseur, il doit en revanche veiller à ce que l'air soit correctement renouvelé et ventilé pour éviter les excès de température.
Faites valoir votre droit de retrait
Si après avoir alerté votre employeur via les ressources humaines, les représentants du personnel et/ou l'inspection de travail, rien n'a été rapidement fait pour améliorer la situation, vous pouvez alors faire valoir votre droit de retrait si vous considérez que votre situation présente un danger grave et imminent pour votre vie ou votre santé. Vous devez simplement alerter votre employeur que vous faites valoir ce droit et vous retirer immédiatement de la situation. Votre employeur ne pourra pas vous demander de reprendre votre poste tant que le danger persiste. Il ne pourra pas non plus prendre de sanction ou de retenue sur votre salaire. Attention cependant, la seule limite sur votre droit de retrait est que votre départ de poste ne créé une nouvelle situation de danger pour autrui.
Conditions particulières pour les personnes travaillant en extérieur
Si, encore une fois, il n'existe pas de recommandation précise pour dire à partir de quelle température vous pouvez faire valoir votre droit de retrait, l'INRS et la CNAMTS ont fait des recommandations spécifiques pour les travailleurs en extérieur. Ils considèrent qu'au-delà de 33°C, travailler présente des dangers pour la santé. Ils préconisent donc des mesures préventives en été et durant les périodes de canicule :
- Adapter les horaires de travail et préférer les heures les moins chaudes de la journée
- Augmenter le nombre de pauses dans des zones d'ombre aménagées et idéalement climatisées
- Effectuer une rotation des tâches avec des postes moins exposés
- Limiter les travaux les plus physiques
- Installer des sources d'eau fraîche à proximité de tous les postes de travail
Si ces mesures ne sont pas respectées alors que la température dépasse les 33°C et que votre employeur a été alerté de leur absence sans action de sa part, c'est un exemple de situation dans laquelle vous pouvez faire valoir votre droit de retrait.
Les dangers du travail à la chaleur sur l'organisme
L'inconfort thermique peut avoir des conséquences graves comme bénignes : l'homme étant homéotherme, son organisme réagit pour maintenir une température stable en toute circonstance via l'augmentation du débit sanguin et la sudation. Les fortes chaleurs entraînent un risque lorsque la capacité d'adaptation de l'organisme est dépassée (dépend de l'âge, du poids etc...), et une détérioration de la perception, de la réactivité et de la précision. Le danger dépend également du taux d'humidité : à 100% d'hygrométrie, le risque est faible jusqu'à 24°C, tandis qu'à 0% il est faible jusqu'à 30°C.
Les actions du plan de gestion des vagues de chaleur de 2023
Suite aux vagues de chaleur record des dernières années et notamment des 33 jours de canicule de l'été 2022, le ministère de la Transition écologique a mise en place un plan d'action concernant la gestion des vagues de chaleur qui vient s'ajouter au plan canicule. Le plan contient deux actions relatives aux travailleurs et aux entreprises.
La première est la création d'un guide à destination des entreprises concernant les travaux simples réalisables afin d'améliorer le confort thermique dans les bureaux et divers lieux de travail. Le guide contient des informations pratiques sur les avantages de ces travaux, leur coût, leur durée et les éventuelles aides existantes.
La deuxième action concerne le renforcement des contrôles de l'inspection du travail durant les vagues de chaleur. Une attention toute particulière sera portée aux travailleurs plus exposés aux risques de chaleur, notamment les employés du BTP ou les travailleurs agricoles mais aussi les employés de la restauration, des boulangeries ou des pressing. Une vigilance particulière sera aussi portée aux travailleurs plus fragiles : les plus jeunes, les plus âgés ou encore ceux présentant des problèmes de santé.
Quels sont les articles de loi auxquels se référer ?
Il y a bien sûr l'article L4131-1 relatif au droit d'alerte et de retrait. Mais on peut également s'intéresser aux articles R4222-1 et R4214-22 traitant des problèmes d'aération et de la disposition du poste de travail : il est en effet reconnu que chaque salarié doit disposer d'un volume minimal (hauteur de plafond, surface du bureau, type de ventilation). Pour le travail à l'extérieur, intéressez vous au texte R4225-1 (protection contre les conditions atmosphériques). Enfin, pour l'hydratation au bureau, référez vous aux textes R4225-2 et R232-2-1 (mise à disposition d'eau fraîche potable pour la boisson, et un lavabo pour dix salariés).
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